Bonneville

La classe du primate

Portrait

Il ne faut parfois pas grand-chose pour nous séduire. Une attitude, une gestuelle ou quelques mots peuvent suffire à nous placer dans une manipulation volontaire. Il aura suffi d’une seule chanson de Bonneville pour me convaincre qu’il donnait le départ à un projet prometteur. Pas vraiment novice dans le paysage musical, vous allez découvrir le portrait d’un dandy cocasse. 

S’il n’est pas toujours évident de trouver sa voie, Bonneville a trouvé la sienne dès l’enfance. Né en 1997, il commence à écrire des chansons dès l’âge de 8 ans. Sa vocation est issue de l’ennui, enfant unique, il voit son père baigner dans le son puisqu’il tient une boite où il vend des enceintes, des écouteurs et autres appareils en lien avec l’univers musical. Dès lors, il se forge une culture qui va de la chanson française jusqu’au rock et poursuit ses découvertes en passant par une fascination naturelle pour le rap, « au collège, j’ai eu le syndrome Mac Miller. »

Sa carrière commence au lycée après un faux bon d’un ami pianiste qui devait l’accompagner pour se produire devant un parterre de gamins incrédules. « Au lycée, j’avais un concert de prévu avec un pianiste et il m’a lâché. C’est à ce moment que j’ai rencontré Rim et petit à petit on a fait pleins de chansons et des dates super cool. On a gagné le Musique Casting (Concours organisé par le Crédit Agricole) qui nous a permis de faire la première partie de Hoshi, on a pu faire de super festoches, Bourges ou des salles comme le Transbordeur. Après le confinement est arrivé et on a sorti notre EP. Avec les études à côté, on était dans un rush à 100 à l’heure. Avec cette période de pause, chacun s’est ressourcé et moi j’avais vraiment envie de faire mes petites chansons. Le duo avec mon ami Rim n’est pas fini mais là on est en grosse sieste. »

Bonneville travaille à la façon d’un rappeur. Il commence par poser sa voix sur un rythme de batterie avec une ambiance au synthé. De cette façon, il plaque ses mots sur le beat pour leur donner le sens qu’il souhaite. Le sens est au cœur de son travail d’écriture. Inspiré par les chanteurs français comme Gainsbourg, Renaud ou Brassens, il se joue des mots avec hauteur et impertinence. « Ce n’est pas du tout calculé et ça fait partie de moi. Le second degré dans mes textes n’est pas une recherche, il me vient naturellement. Je dis souvent que je suis un situationniste. C’est-à-dire que dans une situation de la vie, quand je parle avec quelqu’un ou quand j’écoute quelqu’un, je m’arrête sur une tournure de phrase et je tisse une chanson à partir de ça. Je pars souvent du mot et rarement d’un thème. »

Pour se dandiner cet été, la chanson Un peu d’agrume sera parfaite. Le secret de cette touche pop à l’ambiance ensoleillée réside dans la présence de Feed. Si ce nom ne vous dit rien, c’est normal, Feed est un réalisateur de l’ombre. Ce multi-instrumentiste a déjà marqué la carrière de quelques artistes dont Sliimy qui avait cartonné jusqu’à l’international avec son titre Wake up (2009).

Très détendu pour présenter son nouveau projet, Bonneville parle avec une confiance qui lui donne une sérénité convaincante. Sa voix claire et posée laisse un léger sourire se dessiner à la fin de ses phrases. On lui reconnait une humilité lucide dès qu’il évoque ses origines. La culture stéphanoise fait la place à un vivier éclectique où la bienveillance chasse la compétition qui peut exister entre les artistes : « il y a un énorme collectif génial qui a commencé avec la lignée de Terre Noire, Zed Yun Pavarotti et d’autres artistes super cool. Alors eux sont maintenant à Paris donc on a des relations plutôt distantes mais c’est toujours possible d’avoir des petits retours. Il y a un bon esprit collectif ». Force est de constater que St Etienne propose une scène motivée à s’imposer dans la dure réalité artistique. La salle de concert Le Fil est le lieu incontournable des talents émergents de cette ville. Bonneville y a présenté ses premiers titres dès le début de son projet et quelques morceaux ont réussi à convaincre le co-fondateur du label Confiture, David Rivaton.

Pour cerner Bonneville, il faut passer par son animal Totem, le singe. Il représente la malice, la bêtise intelligente avec une pointe de vice : « c’est mon animal préféré, j’ai toujours eu des posters de singe dans ma chambre jusqu’à mes fonds d’écran. » Ne soyez pas étonnés de voir un primate avec lui sur scène, il en est sa fierté. Son musicien au masque glabre revêt ce déguisement comme un fil continu de ses inspirations. Au passage, ce choix artistique confère un aspect dément à ses représentations.

Nous avons pour l’instant deux titres à nous mettre sous la dent, il faudra se déplacer en concert pour pouvoir découvrir l’étendue de sa musique aux colorations Seventies. Il sera présent le 24 septembre au festival Les Monts de la balle à Verrières en Forez et le 14 octobre à Saint-Étienne dans la salle de concert du Pax.

Photo : Eva Ferrante