Murmur

Le silence des radios

Interview - La Face B - 07/07/21

Nous aimons les personnages hauts en couleurs parce que le commun ennuie. C’est l’histoire d’un fantôme musicien qui porte des gants et des lunettes. Oui, ça fait tout de suite moins peur. Loin d’effrayer les gens, cet artiste qui a signé chez le label Pont Futur propose un premier EP rempli de mélodies robotiques et entêtantes. Sa production a des airs de cyber Pop avec une vision musicale des sixties. Les fantômes traversent les murs et les époques alors nous voulions en savoir plus sur ce créateur de l’au-delà.

 

LFB : C’est toujours étonnant de poser des questions à quelqu’un dont on ignore l’identité. Alors cher inconnu, comment allez-vous ?

 

MURMUR : Ça va bien, j’attends l’été avec impatience, comme tout le monde. Il s’annonce possiblement comme une sortie définitive de cette crise sanitaire mais qui en même temps m’a permis d’être assez créatrice en un certain sens avec MURMUR. Surtout que le printemps est un peu long et j’attends les beaux jours bêtement.

 

LFB : La crise a été un accélérateur de ton projet ?

 

M : Le projet a pris forme dans ma tête avant, on va dire qu’il a commencé il y a deux trois ans et puis le projet a muri sous l’entité Murmur avec le fantôme et là où je voulais aller sur ce premier EP. J’ai finalisé l’EP un peu avant la crise. J’avais pas mal de titre que je commençais à faire tourner autour de moi. J’ai la chance de connaître JD Beauvallet et qui m’avait fait de bons retours sur ces premiers morceaux et après le morceau Juliet m’a fait avancer et a décliné sur tout le projet. Artwork inclus, je l’ai finalisé avant la crise. J’ai trouvé une oreille cotée distribution et qui m’a amené du côté de PontFutur, mon label. En même temps j’ai écrit beaucoup de nouveaux morceaux avec un personnage fictionnel pour une suite. Je n’ai pas pu défendre l’EP en live malheureusement, c’est un peu dommage. Les premiers confinements ont apporté le puzzle qui m’ont permis de finaliser ces projets, c’est cool. Il en est sorti des bonnes choses et là on a envie de voir un peu le bout de cette crise.

 

LFB : Tu penses le défendre sur scène cette EP ou tu vas développer directement ton prochain projet ?

 

M : J’ai commencé à amorcer le début d’une formule live en solo et à la travailler mais ne voyant pas vraiment de perspective j’ai annulé les dates qui avaient été bookées. En même temps, il y a eu une bonne dynamique d’écriture qui est venue plus tôt que ce que je pensais alors je me projette sur la suite maintenant. Pour ce premier EP, j’ai tiré un trait. Même si les morceaux sont sortis en live les morceaux ont déjà plus d’un an. Je préfère défendre une suite sur scène plutôt que cet EP.

 

LFB : Il y a un sentiment positif qui nous accompagne tout au long de l’écoute de l’EP. Il reflète ton état d’esprit au moment de la composition, non ?

 

M : Complètement ! J’ai toujours une touche un peu pop dans mon écriture. Le morceau clé Juliet, il représente une personne à un tournant de ma vie, beaucoup de choses ont changé dans ma vie perso et depuis l’écriture de cet EP. C’est les thèmes un peu classiques de la pop des années soixante mais je les ai travaillés simplement et avec sincérité.

 

LFB : Juliette qui est ta compagne je crois, est aussi à l’origine des images de ton clip Time’s away ?

 

M: Exactement, c’est elle qui est à l’origine des images du clip, elle a tourné, elle a monté, tout à fait.

 

LFB : Pourquoi tu as choisi d’illustrer ton projet avec un fantôme ? Tu l’expliques par le refus des étiquettes ? Qu’est-ce que tu voulais mettre en avant ?

 

M : Le refus des étiquettes musicales je trouve ça intéressant dans le fantôme. Je trouve que le fantôme peut rapidement avoir une esthétique pop et visuelle qui peuvent être hyper ludique. Ça peut se dessiner aussi avec cette histoire d’amour dans le clip de Time’s Away mais c’est aussi une transition. Le fantôme dans l’EP c’est aussi le changement de parcours. C‘est une façon de se cacher, de revenir à une identité sans apparence. C’est l’idée de se cacher pour mieux se retrouver. Se retrouver soi-même d’ailleurs, revenir vers des vraies questions.

 

LFB : On pourrait y voir comme un aspect momentané, comme un éclair dans ta carrière de musicien.

 

M : Pour le coup non mais le personnage se réincarnera. Je suis par exemple très fan de Bowie, je suis fasciné par ses personnages dans sa carrière. Le fantôme permet d’avancer quelque chose de protéiforme. Pour la suite j’ai envie d’un personnage féminin. J’aime construire des histoires autour d’un personnage et que les chansons décrivent des petites tranches de vie. On va voir le fantôme se décliner et voir le personnage sous une autre forme.

 

LFB : Derrière chaque projet musical, il y a une identité très marquée ou définie et toi, finalement, tu proposes un personnage non genré.

 

M : Exactement, j’aime l’idée de brouiller les pistes et de ne pas avoir une identité propre. C’est une sorte de fil conducteur le fantôme, ça peut évoluer et on verra ce que ça donne.

 

LFB : Dans le clip du morceau a.l.b.e.d.o, on voit deux femmes se faire coiffer avec une succession de plans où il y a un jeu autour de la beauté. Avec l’aspect vintage des images tu cherchais à faire référence à une vieille France un peu misogyne ?

 

M : C’est plutôt une réflexion sur la beauté de manière générale. C’est une référence standard, est-ce qu’elle est moderne, je ne sais pas. J’ai beaucoup de références du passé, la pop féminine sixties me passionne particulièrement. Ces femmes se transforment à travers ses coiffures, ses perruques. C’est une réflexion sur l’apparence et pas autour d’une vieille France misogyne.

 

LFB : Quand on verra sur scène, tu seras masqué ou même déguisé ?

 

M : Pas masqué mais déguisé sans doute, oui.

 

LFB : On devine que tu gravites dans le milieu de la musique depuis quelques temps, la scène te manque ?

 

M : J’ai fait pas mal de scène avant et oui, ça me manque. Avec l’arrivée du projet et la signature chez mon label Pont Futur, j’étais très excité à l’idée de revenir sur scène.

 

 

LFB : Si je te parle de Sam Cooke et de son morceau Chain Gang, qu’est-ce que ça t’évoque ?

 

M : Sam Cooke est l’un de mes chanteurs préférés. En fait, le titre Chain Gang m’a inspiré Babe avec les cris qu’on retrouve tout au long du morceau. Tout a été pas mal transformé mais il y a un lien entre les deux.

 

LFB : Tout l’EP a une inspiration très sixties justement !

 

M: Pour moi c’est un compliment. Je suis super touché du coup. Autant que sur la pop féminine française que sur l’esthétique et l’élégance de Bowie à la fin des années soixante. La plupart de mes références musicales qui m’ont vraiment touchées sont de cette décennie-là. Pas de bol, c’était il y a soixante ans.

 

LFB : Tu as travaillé avec Apollo Noir ou Soleil Vert, tu n’es pas un ermite qui va bosser dans son studio seul à la campagne ?

 

MURMUR : J’aime bien l’idée des collabs. J’écris seul, j’ai souvent un avis tranché. Après j’aime chercher des angles au niveau du mix qui vont apporter un autre éclairage et c’est pour ça que j’ai contacté Apollo Noir par exemple. Parfois, il y a une refonte complète de l’identité d’un titre, tout à l’heure on parlait d’identité et de transformation et bien ça va de pair avec le morceau. C’est pas tant l’idée de collab mais de revisiter un propos via un remixage. Mes capacités musicales s’arrêtent à un certain niveau et c’est ça aussi la beauté des sixties. Quelqu’un pouvait faire un titre et il pouvait être chanté ou façonné par quelqu’un d’autre. Il faut savoir laisser les clés de la maison à quelqu’un qui peut potentiellement amener le morceau ailleurs. Pour travailler en ermite, il faut avoir l’impression d’être un génie complet. En tout cas, je trouve cool d’aller chercher un tandem, des passerelles pour donner d’autres couleurs.

 

LFB : Ta réponse est pleine d’humilité, tu aurais pu jouer le génie. Avant de terminer, est-ce que tu pourrais me décrire dans quelles dispositions tu te mets pour composer.

 

M : J’ai une petite bulle à Paris dans laquelle j’aime être, là où il y a mon petit studio. Je compose dans un état d’esprit de rapidité. C’est très étrange mais je préfère les sessions rapides. Quand j’ai une idée, je vais l’exploiter pendant une ou deux heures, quitte à m’arrêter et reprendre ensuite plutôt que faire des journées complètes. J’aime travailler par créneaux, par petites touches, à l’instinct. Il faut que l’idée soit vite exécutée avec les défauts que ça comporte. Même les voix, j’attends le bon moment pour les faire. C’est un bouillonnement créatif par sections. Le fait de passer par des personnages inventés ça me stimule au niveau lyrique.

 

LFB : Ta manière de parler de ton processus de composition fait penser à la peinture, est-ce que tu la pratiques ?

 

M : Pas du tout, je suis même très mauvais en peinture, je ne vais pas te mentir (rires). En tout cas, il y a une inspiration de l’impressionnisme oui.